THE CULT OF THE NATION IN FRANCE: INVENTING NATIONALISM, 1680-1800

(Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 2001)

By David A. Bell

 

APPENDIX:

 

Le patriotisme, poëme (1767)


Note on the Text :

 

This short, anonymous poem, from 1767, is discussed in The Cult of the Nation in France, on page 66. It is a striking example of the shifts discussed in Chapters II to IV, which laid the groundwork for the emergence of French Revolutionary patriotism. It is fervently royalist, identifying the king with the patrie, and in this sense fits into what I call the program of “royal patriotism” that took shape in the 1750’s and 1760’s (Cult of the Nation,  pp. 63-68). Its long description, on pages 6-7, of the famous 14th-century incident of the “bourgeois of Calais,” was an obvious piece of hommage to one of the most important examples of royal patriotism, Pierre Buirette de Belloy’s fabulously successful stage play Le siège de Calais (1765). Yet the monarch that the poem glorifies is a monarch who treats his subjects as citizens. Thus the author recalls, on pages 7-8, the example of Louis XIV, who addressed open letters to the French people in 1709, when France was facing catastrophe during the War of the Spanish Succession (see Cult of the Nation, p. 90). And in general, the poem displays a contempt for luxury and corruption, and an admiration for patriotic self-sacrifice, that is typical of classical republican thought (see Cult of the Nation, pp. 125-8). Particularly striking is the violence of the poem: the vaunting of patriotic “fanaticism” and “excess” on page 4, and the identification of lack of enthusiasm for the patrie with treason on page 11. Stripped of its references to the monarchy, the poem could easily have have been reprinted as republican propaganda under the First Republic, in the manner of the texts from the Seven Years War which Rouget de Lisle incorporated into the Marseillaise (see Cult of the Nation, p. 80).

 

The poem can be found in the Bibliothèque Nationale de France, under the cote (call number) Ye 29660.

 

 

 

 

 

 

Le patriotisme, poëme qui a été présenté à l'académie françoise, pour le prix de l'année 1766, Et dont on n'a fait aucune mention. A Paris, Chez la Veuve Duchesne, Libraire, rue Saint Jacques, au Temple du Goût. MDCCLXVII.

 

 

 

 

                                                                                  3

 

Le patriotisme, poëme qui a été présenté à l'académie françoise, pour le prix de l'année 1766, Et dont on n'a fait aucune mention.

 

Passion des Héros, amour de la Patrie,

Sentiment producteur de toutes les vertus,

          Juste et louable Idolâtrie,

          Aux coeurs lâches & corrompus

          Tes doux transports sont inconnus

 

 

                                                                                  4

 

Pour toi le Fanatisme et zèle légitime;

Tu fais des Nations la force & le bonheur,

          Il est beau d'être ta victime,

Souffrir pour toi l'injure est le plus grand honneur.

          Romains, l'Univers vous révère,

Lorsque de la Patrie amateurs forcenés,

          Pour elle vous vous condamnez

A porter fièrement le joug le plus sévère.

L'excès de cet amour est votre unique Loi;

          Ce seul attrait vous unit, vous sépare,

          Tout étranger est pour vous un barbare,

                      Et tout Citoyen est un Roi.

                      A cette ardeur patriotique

Tout cède... mais bien-tôt un luxe corrupteur

Use l'activité de ce puissant Moteur.

          Rome touche au moment critique,

Où l'esprit de parti, l'intérêt personnel,

Vont chez elle établir leur manège cruel.

La Discorde les fuit. Les Complots, les Cabales

Partagent le Sénat en factions rivales.

 

 

                                                                                  5

 

Les emplois sont livrés à la vénalité,

Le crime au sein des Loix trouve l'impunité.

                      Ciel! quelle affreuse décadence!

          Tous les Romains, esclaves ou tyrans,

                      Voyant avec indifférence--

De leur prospérité les beaux jours expirans;

Contre eux-mêmes saisis d'une inhumaine rage,

A s'entredéchirer ils mettent leur courage.

le beau nom de Patrie est un vain nom pour eux,

Et le plus scélérat devient le plus heureux.

          Vous aurez désormains un Maître,

          Peuple fait pour tout dominer.

          Le sort n'a plus à vous promettre

          Que des fers pour vous enchaîner,

          Des barbares pour vous soumettre,

          Des monstres pour vous gouverner.

Craignez de ce destin toute ignominie,

          Esclaves du vil intérêt,

          Pour qui l'Amour de la Patrie

          Est un sentiment sans attrait.

 

 

                                                                                  6

 

Toute Société languit, se décompose,

          Dès qu'on desserre ce lien.

La chute des Étas n'a jamais d'autre cause

Que le relâchement de l'esprit Citoyen.

Il régna parmi nous ce vrai Patriotisme,

          Il fut long-tems la vertu des François,

          Il produisit leur héroïsme,

Ils lui doivent leur gloire & leurs plus beaux succès.

Quand du fier Edouard l'ambition outrée,

          A notre Loi la plus sacrée

          Osant à son gré déroger,

          Voulut, à la France éplorée,

          Imposer un joug étranger;

On vit tous les François, Citoyens intrépides,

Rompre de ce vassal les intrigues perfides,

Pour la Patrie armés, pour elle pleins de fois,

S'immoler au desir d'en maintenir la Loi.

Henri renouvellant cette injuste querelle,

D'un imbécile Roi surprend le vain appui,

Met dans ses intérêts la marâtre Isabelle.

 

 

                                                                                  7

 

Le Dauphin, par Arrêt, est déclaré rebelle,

L'Anglois obtient sa place, il croit le trône à lui...

Ah! pour combler l'horreur de ces jours de souffrance,

          Il commet en vain des excès.

Qu'il ne se flatte point d'assujettir la France;

          Pour la sauver il reste des François.

Dans un effort commun leur force réunie,

Du superbe Lancastre abbat la tyrannie.

Il suit, loin de nos bords honteusement chassé,

Et Charles sur son trône est enfin replacé.

Dans des tems plus voisins, lorsque l'Europe entière,

Ivre de ses succès, fière de nos malheurs,

Veut sur nous durement, par une haine altière,

          Entasser douleurs sur douleurs;

LOUIS parle à son Peuple, il lui montre l'abîme

          Où l'on veut le précipiter.

Le François est ému, son ardeur se ranime,

A l'Europe liguée il ose résister.

 

 

                                                                                  8

 

De son coeur abbatu la fougue renaissante

Tient ces nouveaux Titans embarassés, surpris;

          Confond leurs aveugles mépris,

Et la Patrie est triomphante.

          François, que l'esprit citoyen

Soit toujours l'ornement de votre caractère.

S'il vient à s'affoiblir, si jamais il s'altère,

François qui fûtes tout, vous ne serez plus rien.

Les vices destructeurs d'une vertu si belle,

Hélas! n'ont que trop fait parmi vous de progrès.

Chaque jour les accroît, chaque jour renouvelle

          Mes craintes, mes justes regrets.

L'honneur est sans crédit, la probité chancelle;

L'or usurpe les droits du mérite et du zèle;

          Sur vos moeurs, sur votre raison,

          Le luxe a versé son poison.

          Une triste Philosophie,

Des principes reçus orgueillese ennemie,

 

 

 

                                                                                  9

 

          Vous donne, avec autorité,

          Le Plaisir pour Divinité,

          L'Univers entier pour Patrie,

Et pour suprême Loi la personnalité.

          A ces maximes scélérates

          Vous soumettez-vous sans rougir?

          Verrons-nous vos ames ingrates

          D'après elle, penser, agir?

En estime, en amour, la France & ses rivales,

Auront-elles chez vous des mesures égales?

Ferez-vous mêmes voeux pour sa gloire & la leur?

          Loin d'estimer à leur valeur

          Vos richesses nationales,

          Marquerez-vous d'un air léger

Un stupide engouement pour tout fruit étranger?...

O! vous, qui de la France ennemis domestiques,

Dans ses Lois, dans ses Arts trouvez tant à blamer;

Allez hors de son sein apprendre à l'estimer.

 

 

                                                                                  10

 

          Allez, & que vos yeux critiques

          Observent les Peuples divers.

          Parcourez, voyez l'Univers,

Vous reviendrez François & François fanatiques.

Vous sur qui la Patrie a conservé ses droits

Dnot le coeur Citoyen est sensible à sa voix;

François digne de l'être, à vous seuls mon estime

Consacre avec transport un encens légitime.

Enfans de la Patrie, ah! que vous m'enchantez,

Dans ses moindres périls quand je vois vos allarmes,

Lorsque dans ses revers, dans ses prospérités,

La joie ou la douleur vous font verser des larmes!

          Que j'applaudis à vos généreux soins,

          Lorsqu'une volonté sincère

          Vous retranche du nécessaire,

          Pour subvenir à ses besoins!

          Allez au plus beau des spectacles,

Des Héros de Calais nobles imitateurs.

 

 

                                                                               11

 

Voyez leur fermeté vaincre tous les obstacles,

Et se faire admirer de leurs persécuteurs.

Votre coeur est serré, votre ame est attendri,

Lorsqu'un ordre inhumain les condamne à la mort.

          Ils s'immolent pour la Patrie,

          Enviez leur gloire & leur sort.

          Puisse à jamais leur vertu magnanime,

Inculquer aux François cette grande leçon;

Qu'il faut pour la Patrie une chaleur sublime,

          Un amour qui soit passion;

          Que l'indifférence est un crime,

          La tiédeur une trahison.

Non, François, pous vos Rois, de votre idolâtrie,

          La raison ne peut murmurer.

          Ils sont Pères de la Patrie,

          Pouvez-vous les trop honorer?

          Jouissez de leur bienfaisance,

          De leur joug chantez la douceur;

Sur votre amour ils fondent leur puissance,

Sur leur pouvoir fondez votre bonheur.

 

 

                                                                                12

 

Tous les François, LOUIS, se réunissent,

Pour célébrer votre coeur généreux.

          Vous les aimez, ils vous chérissent;

          Vous êtes grand, ils sont heureux.

          Vivez, puissez-vous toujours être

          Digne Maître de tels Sujets.

          Vous, François, soyez à jamais

          Les dignes Sujets d'un tel Maître.

 

                                                          FIN

 

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APPROBATION

 

J'ai lû, par ordre de Monseigneur le Vice-Chancelier, Le patriotisme, poëme qui a été présenté à l'académie françoise, pour le prix de l'année 1766, & je crois qu'on peut en permettre l'impression. A Paris, ce 7 Novemvre 1766. MARIN.

David A. Bell

Sidney and Ruth Lapidus

Professor in the Era of

North Atlantic Revolutions

 

Department of History

 

Princeton University

 

 

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